Incroyable mais vrai. Ils étaient là, bêtement plantés dans un coin discret de la place de la Mairie. En plein Centre, évidemment. Parce qu'ils croyaient vraiment qu'ils ne risquaient rien ici ? Isaac sentait son sang bouillir, et il savait qu'il en allait de même pour les deux amis qui l'accompagnaient. En face d'eux, ce spectacle si répugnant : une fille Ferguson, une soeur, quasiment une vraie femme, une des leurs en tout cas, en train de sourire à un crétin d'Atwood. Pauvre péquenot misérable qui non seulement n'avait rien à faire là, mais qui risquait bien gros en contant ainsi fleurette à sa soeur. Isaac fit signe de se taire aux deux acolytes baraqués. Agir ? Ne pas agir ? Oh, ils ne tergiverseraient pas longtemps... Ces trois-là n'étaient pas le genre à passer sans rien dire. Une seule chose le retenait encore lui, lui dont la soeur était en train de se faire bel et bien draguer, vulgairement et abruptement, par un pauvre type. Une seule chose : les remontrances paternelles de la veille. Il les entendait encore

"Pas de clash dans le Centre tu m'as compris ! Que je t'y reprennes et je te déshérites ! Tu sais ce qu'on doit au grand Ferguson, tu sais qu'on fait partie de son clan ! Donc je n'apprécierai pas vraiment que le patriarche soit obligé d'aller te chercher en prison. On est d'accord ?"

Évidemment, qu'on était d'accord. Et au final, le but devenait très simple : attirer cet abruti chez lui, dans sa zone. Celle où il pourrait lui rappeler la folie de son geste ridicule. Il vint se poster loin derrière le type, de manière à ce que la fille le vit. Et selon toutes apparences, il y parvint. Elle ouvrit soudain de grands yeux et rougit. Pas assez heureusement pour que l'autre inconscient ne songe à se retourner. Mais la fille soudain était distraite, regardait sans cesse à gauche et à droite. Une seule envie la tenaillait encore : fuir vite. Quelle que soit la beauté du jeune Atwood qu'elle avait en face d'elle, elle devait y renoncer et vite, il allait y avoir du grabuge. Bien vu petite. Bien vu, mais trop tard.

Tout se passa si rapidement qu'elle n'eut que le temps de se plaquer contre le mur. Les deux acolytes Ferguson l'avaient encerclé et avait bloqué sa bouche, pendant qu'Isaac arrivait.

▬ Allez, on va l'ammener tranquillement vers le parking. Ce sont des choses qui se font en privé. Fais pas cette tête-là mon gars, je vais finir par croire que t'étais vraiment con au point de pas savoir ce que tu risquais en draguant ma soeur.

Deuxième sous-sol. La fille avait suivi, tentant d'empêcher son frère, lui expliquant le pourquoi du comment, lui assurant qu'il n'y aurait plus rien entre eux... Mais elle avait en face d'elle une face de jeune homme impassible, ordonnant muettement à ses complices de s'arrêter, et de libérer le Atwood.

▬ Tu vois, tu peux parler maintenant. Tu peux même crier si tu veux, personne n'entend.

Le coup partit bien trop vite pour être bloqué. Un poing dans la face, le jeune chancelle. Et lui qui ne parlait plus depuis la dernière scène libère ce cri de désespoir :

▬ Non ! Je t'en supplie ! Ce n'est pas ce que tu ne crois, je ne veux pas...

Fût-ce la supplication du jeune Atwood ? Le regard implorant de sa soeur ? Ou bien l'image paternelle tournant toujours dans son esprit ? Le fait est qu'Isaac, après un profond regard de mépris, conclut l'action fugitive par ces termes cassants :

▬ Tu dégages. Si je te revois, sache que je n'ai jamais accepté la règle pacifique du Centre.