Treize heures, c’est l’heure qu’affichait l’horloge placardée au mur du bar où je me trouvais. Elle n’allait plus venir, cela faisait déjà une demi heure que je l’attendais. Je commandais une autre boisson dans le but de faire passer le temps plus rapidement et surtout pour qu’on ne me dise pas de partir si je ne consommais pas. J’avais rendez-vous avec une cliente de la galerie d’art que je tenais à qui j’avais réservé un tableau. Nous devions discuter de l’arrangement pour l’achat de celui-ci autour d’un verre, coup que j’avais monté pour pouvoir faire plus ample connaissance avec elle. Que voulez-vous, à force d’être célibataire, on finit par inventer toute sorte de scénario pour enfin rencontrer la femme de nos rêves mais pour cette fois ci, cela semblait louper. A noter dans mon calepin : Sonia check ! Je n’inviterais plus jamais une Sonia à sortir, c’est décidé et surtout, il faut que j’arrête de chercher l’amour parce que cela nuit un peu à mon côté « bad boy ». Depuis que la guerre avait stoppé entre les deux clans, je n’avais plus beaucoup de préoccupations. Mes habitudes avaient dû changé et je me concentrais donc sur d’autres affaires, qui étaient pour l’instant la recherche du grand amour. La vérité était que je me sentais seul malgré le fait que je vive en collocation avec ma petite sœur dans une villa de la ville donc j’avais décidé d’y remédier.

Deuxième verre fini, je me mis enfin en tête que c’était trop tard. J’attrapai mon sac au vol, je payais mes consommations et pris la route, direction la maison, le seul endroit où je me sentais réellement bien après ma galerie. Je marchais depuis environ 10 minutes quand soudain, je remarquai dans un coin sombre d’une ruelle deux personnes en train de se battre. Des cris étouffés m’avaient mis en alerte quelques secondes plus tôt. Je ne pu m’empêcher d’observer la scène quelques instants, et quand je compris enfin ce qui se tramait ici, je ne perdis pas une minute de plus. Un Attwood et un Ferguson se foutait sur la gueule. Nous avions posé la trêve et pourtant. Je n’avais aucune raison de m’inquiéter pour moi et pourtant, je me sentais soudainement très mal. Ils étaient sans doute juste en train de régler des conflits personnels, sans aucun rapport avec la guerre des clans. Peu à peu, j’accélérais le pas. Ce n’était pas dans mes habitudes d’être effrayé mais en réalité, ce n’était pas pour moi que j’avais peur. Le couteau caché dans la poche de ma veste me procurait un semblant de sécurité.

A peine cinq minutes plus tard, j’arrivais chez moi. J’ouvris la porte en trombe pour aussitôt la refermer en la claquant violemment. Je me dirigeai automatiquement vers le salon, passant d’abord par la cuisine et jetant un œil dans la salle de bain au passage. Elle n’était pas là. Et après seulement quelques instants, je la vis, sur le canapé. Elle était juste là, comme à ses habitudes. Un sentiment de soulagement me gagna alors et je ne pu m’empêcher d’aller vers elle et de la serrer dans mes bras. Je savais pertinemment que j’étais trop protecteur envers elle mais je ne pouvais pas faire autrement.

« Oh Hel’ tu es là. Si tu savais comme j’ai eu peur qu’il te soit arrivé quelque chose. Il y a eu cette bagarre en ville et j’ai aussitôt pensé à toi. Des souvenirs d’avant me sont remontés, la guerre ne me semblait pas terminé… »

Il n’y avait que devant elle et que pour elle que je pouvais perdre mes moyens comme ça. J’étais pourtant du genre à ne pas me laisser faire, à être impulsif voir violent mais j’aurais tout donné pour ma sœur et dès qu’il s’agissait d’elle, on pouvait dire au revoir à mon côté méchant et voir apparaitre en moi une faiblesse immense.

Lena avait passé sa journée au cabinet d'avocat, travaillant sur un dossier assez difficile. Dans seulement deux jours, elle aura sa seconde plaidoirie. Cela fait peu de temps qu'elle y travaille, mais elle se sent à sa place. C'est une chose qui lui convient très bien. Avec ce boulot, elle se sent utile, elle n'a plus l'impression de ne rien faire. Depuis que la guerre est terminée, elle vit entre deux mondes. Elle a toujours les mêmes réactions de craintes parfois. Comme si, à tout moment, elle pouvait encore se faire tirer dessus comme ce fut le cas il y a quelques années. Mais, à présent, elle apprend à vivre avec cette paix qui a prit possession de la ville. Mais, ce n'est pas pour autant qu'elle est calme, au contraire. A chaque coin de rue, elle se demande ce qui pourrait arriver si un Attwood décide que, finalement, la guerre ne doit pas avoir de paix. Seulement, plus le temps passe, et plus elle se sent mieux. Ce n'est pas encore totalement le cas, mais elle sait qu'on veille sur elle.

Après cette matinée au cabinet, elle rentra chez elle et se fit quelque chose à manger avant de se mettre dans le salon. Elle prit un bloc à dessin avec un crayon, se mettant à dessiner des choses et d'autres. Tout ce qui lui passe par la tête. Lena a toujours eu un petit côté artiste, mais elle ne l'utilise pas réellement. En fait, c'est juste un passe-temps, elle n'a pas envie d'en faire quelque chose. C'est pour se détendre, en somme. Après plus d'une heure à faire un dessin, elle se rendit compte que c'était son frère, Tyler, qu'elle dessinait. C'est la personne dont elle est le plus proche. Bien qu'il soit plus âgé qu'elle, parfois, elle a l'impression qu'ils sont des jumeaux tant ils sont proches. Et même si souvent, elle peste contre son côté protecteur, elle sait que c'est pour son bien. Il a déjà failli la perdre une fois, elle se doute qu'il n'a pas envie que cela recommence. Posant le bloc à dessin sur la table basse, elle allume ensuite la télévision, mettant une chaine où sont diffusés des clips toute la journée sans interruption.

Dans le même temps, elle prit un album photo et fit un peu de rangement. Elle se mit à sourire en voyant des photos de son frère et elle lorsqu'ils étaient petits. Ce sont des choses qu'elle n'oubliera jamais, c'est impossible. Elle prit ensuite un paquet où se trouvait des photos plus récentes, et elle se mit à les mettre dans l'album, se souvenant de chaque journée où ont été prises les clichés. Immortalisant ces moments magiques. Même si la guerre faisait rage, ils trouvaient toujours le temps de faire des choses ensemble. Et Lena faisait en sorte d'avoir des photos pour toujours s'en souvenir. De ce fait, elle n'entendit pas son frère qui rentrait, trop perdue dans son monde. C'est lorsqu'il arriva dans le salon qu'elle leva les yeux vers lui. Elle fut surprise lorsqu'il la prit dans ses bras, si soudainement. Mais ce n'était pas pour autant désagréable. Elle posa l'album lorsqu'il lui fit par des craintes qu'il a eu plus tôt dans la journée.

La jeune femme sourit légèrement en posant sa main sur la joue de son frère. Bien qu'elle soit plus jeune, elle a toujours eu ce côté maternel avec tout le monde. Et particulièrement avec son frère. Elle est bien la seule à pouvoir canaliser ses colères, mais aussi ses peurs. « Je vais bien, Ty, ne t'en fais pas. Je sais que ce n'est pas facile, je vis exactement la même chose que toi. Mais tout est terminé, tu n'as plus à t'en faire, je ne crains plus rien. Et toi non plus. » lui dit-elle en affichant un mince sourire en le regardant, caressant doucement sa joue.

La main de ma sœur sur ma jour m’apaisa instantanément. Elle avait ce don pour me calmer d’un coup, comme personne d’autre ne savait si bien le faire, voir le faire tout court d’ailleurs. Puis, elle me rassura d’autant plus grâce à ses paroles réconfortantes. Maintenant que je l’avais devant les yeux, je n’avais plus aucune raison de m’inquiéter. Néanmoins, je n’étais pas aussi sûr qu’elle sur le fait que l’on ait plus rien à craindre. N’importe qui aurait pu décider que la paix n’avait pas lieu d’être et la briser. Aussi fragile elle était en ce moment, ceci n’aurait pas été bien dur. Enfin, autant ne plus y penser pour l’instant, cela ne valait vraiment pas le coup !

« Oui je le sais bien mais je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter pour toi, tu le sais bien. On ne sait jamais ce qui peut arriver, même si la paix a été déclarée. »

Ses caresses sur ma joue continuèrent quelques instants, puis, je remarquai les photos et les albums posés sur la table de salon. Sur celle qui était le plus en haut de la pile, on pouvait me voir, tenant Helena dans mes bras alors que nous faisions tout deux des grimaces bizarres. Qu’est-ce qu’on avait pu s’amuser cette journée là ! En même temps, il n’y a pas beaucoup de journées qui avaient été noires quand nous étions que tous les deux je crois bien ! Sortant de mes souvenirs, je pris la photo dans ma main pour l’observer de plus près et un sourire resta figé sur mon visage.

« Tu t‘ennuyais à ce point pour classer nos photos ? »

Petits, notre mère adorait s’en charger et nous mettions un point d’honneur à l’aider dans le tri ou à coller correctement toutes ces photos. Nous passions un temps fou à le faire à chaque fois et les discussions tournaient toujours sur « Tu te souviens de… ? ». C’était tout simplement magique à chaque fois. En même temps, j’avais toujours aimé les moments passés en famille qu’ils soient courts, longs, joyeux ou malheureux. C’était ce qui forgeait le caractère.

« D'ailleurs, comment ça s'est passé au cabinet aujourd'hui ? »

Tyler et Helena, c'est une grande histoire. Un frère et une sœur qui sont toujours sur la même longueur d'onde. Peu importe le sujet, peu importe les événements, ils comptent toujours l'un sur l'autre. Incontestablement, Ty' est la personne la plus importante dans la vie de la jeune femme. Personne ne sera jamais en mesure de prendre sa place. Notamment parce qu'ils ont le même sang, mais aussi parce qu'il est ce qu'elle a de plus beau en ce monde. S'il ne serait pas là, elle ne sait pas comment elle aurait fait durant toutes ces années. Et d'ailleurs, ils ne supportent pas les séparations. Petite, Lena a absolument tenu à suivre les entrainements, au même titre que son frère. Et, cela fut une grande aide pour tous les deux. Elle est la seule à savoir comment calmer son frère lorsqu'il devient trop nerveux. Et, souvent, ce fut le cas. Mais avec la jeune femme dans le coin, cela ne dure jamais très longtemps. Elle l'apaise, et il en fait de même avec elle. Les mots sont inutiles. Il n'a qu'à être à ses côtés pour qu'elle se sente de suite mieux.

Elle eut un mince sourire aux propos de son frère. Oui, elle le sait. Elle en a conscience depuis toujours. Tyler est toujours inquiet pour elle, peu importe ce qu'elle fait. Mais, dans l'autre sens, c'est la même chose. Lorsque son frère partait au combat lorsque la guerre faisait rage, elle avait la peur au ventre. Cette inquiétude la rendait folle, et elle se sentait mieux seulement quand il était de retour, vivant, et sans blessure. A présent, ils ne doivent plus être inquiets, même si cela prendra du temps. Ils peuvent vivre plus normalement. Sans avoir de crainte. « Je le sais, Ty'. Mais, tu sais aussi que je peux me défendre toute seule. Souviens-toi, nous avons eu les mêmes entrainements. Et de toute façon, pour le moment, c'est relativement calme. » répondit-elle en lui souriant, caressant encore sa joue. D'ailleurs, c'était les périodes les plus calmes qui étaient les plus inquiétantes à l'époque. Le calme avant la tempête. Mais, aujourd'hui, il ne faut plus y penser.

Son frère prit ensuite une photo, la première sur la pile. Lena eut un sourire, ils s'amusent toujours si bien lorsqu'ils sont ensemble. Ils sont capable de faire les fous, et les pires bêtises, comme lorsqu'ils étaient plus petits. Ce sont des moments que la jeune femme n'oubliera jamais. Les souvenirs sont ancrés dans sa mémoire et y resteront toujours. « Non, mais je me suis dis qu'il était temps de le faire. Il y a pleins de photos en vrac, et tu me connais, j'aime le rangement. » répondit-il en souriant largement. Elle prit une autre photo où on pouvait voir Helena, la tête posée contre l'épaule de Tyler, alors que lui, avait la sienne contre celle de la jeune femme. Ils étaient tous les deux endormis. Elle eut un petite rire, s'exclamant en le regardant : « Maman a toujours eu le chic de prendre les bonnes photos ! » fit-elle en riant à nouveau. Ce qui est vrai. Grâce à leur mère, ils ont une collection importante de photographies. Certaines en famille, tous ensemble. Mais, la majorité sont celles des deux enfants.

« Ça a été ! J'ai pris mes marques, donc, je m'en sors plutôt bien. » répondit la jeune femme en réponse à la question de son frère. « Et pour toi ? Comment ça se passe à la galerie ? » demande-t-elle à son tour.