Pour un mois de février, il faisait plutôt beau à Volusia, même très beau. Toute la journée, il avait fait un grand soleil, et une température avoisinant 25°. Sarah avait cru mourir de chaud dans le gilet que sa mère lui avait dit de mettre le matin même et qu'elle n'avait pas osé enlevé, alors qu'elle portait en dessous un T-shirt à manches courtes. Ce matin-là, d'ailleurs, Ashley avait informé sa fille qu'elle ne pourrait pas venir la chercher à la sortie de l'école, et que son père ne pourrait pas non plus. Devant l'air dépité qu'avait pris Sarah, elle lui avait dit que la personne qui viendrait la chercher était une surprise. Même si la petite avait insisté, elle n'avait pas craché le morceau, et à 15h30, à l'heure de la sortie de l'école, la fillette ne savait pas qui viendrait la chercher.

Alors, lorsqu'elle avait vu Helena, sa marraine, arriver, elle avait sauté de joie. Elle s'était imaginé le pire, comme sa vieille voisine, une femme qui lui faisait peur parce qu'elle parlait toute seule et qu'elle sentait une odeur bizarre. Sarah avait courut vers la jeune femme et lui avait sauté dans les bras, avant de lui coller sur la joue un gros bisou sonore. Ethan était parti chez son meilleur ami, et Sarah était bien contente d'avoir sa marraine pour elle toute seule. D'un commun accord, elles décidèrent d'aller faire d'abord un tour au parc avant de rentrer à la maison. Comme il faisait bon, elles y allèrent à pied, Sarah suffocant toujours dans son gilet - plus son manteau qu'elle avait rajouté par dessus.

Pendant le trajet, Sarah avait fait la conversation à elle toute seule, racontant à Helena qu'elle croyait que ce serait sa voisine qui viendrait la chercher, et tout ce qu'elle n'aimait pas chez sa voisine, en oubliant complètement l'école. D'habitude, elle disait à sa mère tout ce qu'elle avait fait en cours, mais là, ce n'était pas un jour ordinaire, puisque justement, c'était sa marraine qui était venue la chercher. Arrivant au parc, les deux filles se dirigèrent vers un banc, juste à côté de la mare, la mare immense, celle avec des canards, à qui elle adorait donner du pain. Sarah posa son sac, un sac rose avec une énorme tête d'Hello Kitty dessus, qui faisait sa fierté et rendait ses amies jalouses, sur le banc, et s'assit à côté de lui. Ses pieds ne touchaient même pas sol, alors elle s'amusa à les balancer, brassant l'air avec.

Au bout de quelques minutes, elle décida que le silence avait assez duré - car en effet, elle avait réussi à rester silencieuse depuis le moment où elle s'était assise sur le banc jusque là ; elle ouvrit son sac, en sortit un paquet de gâteaux qu'on lui avait donné en classe et qu'elle n'avait pas mangé, et elle tourna son visage vers celui d'Helena, puis, affichant un grand sourire, elle proposa :

- Viens, on va voir les canards ! d'une voix guillerette.

N'attendant pas la réponse de sa marraine, elle sauta du banc, et courut vers la mare. Elle s'accroupit au bord de l'eau, ouvrit le paquet de gâteaux qu'elle tenait dans la main, en cassa un en deux et lança un des morceaux dans l'eau. Tout de suite après, un canard vint et l'engloutit. Au lieu de repartir vers les autres canards, il resta là, lorgnant sur le paquet que tenait la fillette. Sarah éclata de rire, et demanda à Helena :

- Tu veux lui donner un bout ? en tendant la moitié de gâteau.

Première vraie journée de travail. Un gros dossier qui l'attendait. Mais cela ne faisait pas peur à Helena Ferguson, ça non. Elle en a vu d'autres. Et bien pire qu'un dossier où elle défend quelqu'un. Le matin, en se réveillant, elle savait que ce serait une belle journée, elle n'avait fait aucun cauchemar, ce qui était rassurant. Et puis, elle se sentait étrangement bien, apaisée, ce qui est rare. Elle s'était habillée simplement, un tailleur noir qui la mettait en valeur et qui allait très bien avec ses cheveux bruns. Elle reste toujours simple, n'aimant pas en faire trop. Mais peu importe ce qu'elle porte, elle parvient à être toujours classe. C'est lorsqu'elle prenait son petit-déjeuner qu'elle reçut un appel d'Ashley. Ashley et Lena se connaissent depuis longtemps, maintenant. Elles sont assez proches et s'entendent très bien. La jeune femme lui demanda si elle pouvait récupérer Sarah à l'école cette après-midi, et bien évidemment, Helena ne manque jamais une occasion de voir sa filleule.

Sa journée fut rapide, elle ne vit même pas le temps passé. A quinze heures, elle quitta le bureau pour aller cherché la petite fille. Elle n'avait pas prit sa voiture, profitant du beau temps et du soleil de cette chaude journée. Elle arriva à l'école une bonne dizaine de minutes à l'avance, attendant non sans une pointe d'impatience que la cloche sonne, annonçant la fin de cette journée d'école. Quelques minutes plus tard, elle vit les enfants sortir en masse, cherchant du regard Sarah, elle la vit et lui fit un énorme sourire avant de l'accueillir dans ses bras, déposant un baiser sur son front. Elles prirent la décision de se rendre au parc, Helena prévint rapidement Ashley en lui envoyant un message afin qu'elle ne s'inquiète pas du retard.

Durant le trajet, Sarah combla le silence en lui parlant de sa crainte que ce soit la vieille voisine qui vient la cherchée à la sortie de l'école. Helena l'écoutait en souriant, ravie que la petite fille soit aussi épanouie et bavarde. Un véritable rayon de soleil à elle toute seule. Cela lui faisait énormément de bien d'être libre de la sorte. Ne pas être inquiète si quelque chose venait à arriver. A présent, elle pouvait se balader aisément dans les rues sans avoir peur qu'une fusillade éclate. Et elle pouvait aussi passer plus de temps avec Sarah. Lui tenant la main, elles arrivèrent somme toute assez rapidement au parc et s'installèrent sur un banc.

Elles ne restent pas assises bien longtemps puisque la petite fille eut l'idée d'aller voir les canards. Helena la suivit en riant et s'accroupit à côté de Sarah, la regardant jeter du gâteau aux animaux.

« Avec plaisir. » répondit-elle à la question de Sarah en prenant la moitié de gâteau qu'elle cassa en plusieurs morceaux, le jetant aux canards dans cette mare. Elle souriait, retombant presque en enfance – bien qu'elle n'avait pas l'occasion de faire cela. Une fois fait, elle frotta ses mains, retirant les miettes et tourna son visage vers sa filleule.

« Tu veux qu'on retire ton manteau ? Tu dois avoir trop chaud par ce temps, en plus, tu as un gilet en dessous. » demande-t-elle en souriant, déboutonnant déjà le manteau afin qu'elle ne suffoque pas de trop par cette chaleur. Même au mois de février, il peut faire une chaleur monstrueuse à Volusia, et Helena se félicita intérieurement de n'avoir mit aucun manteau, seulement sa veste de tailleur. « Maintenant, que dirais-tu de manger une glace ? » glisse-t-elle avec un fin sourire complice sur le visage.

Helena attrapa le gâteau que lui tendait sa filleule tout sourire, le cassa en plusieurs morceaux et les jeta dans l'eau. Deux autres canards s'étaient rapprochés, et ils ne firent qu'une bouchée du gâteau. Sarah éclata de rire une nouvelle fois. On lui avait donné ce gâteau en classe, mais elle ne l'avait pas mangé. Elle savait qu'il n'était pas bon, parce qu'on lui en avait déjà donné des semblables. Ils étaient collants, pâteux, avaient un affreux goût de renfermé et sentaient un peu l'urine de chat. Enfin, si elle ne les aimait pas, les canards, eux, les adoraient. Malheureusement, il n'y en avait plus pour eux, aussi, Sarah les chassa de ses deux mains en leur disant d'une voix un peu dépitée :

- Allez ouste les canards ! Y'en a plus !

Elle se releva, et quand sa marraine lui demanda si elle voulait enlever son manteau, elle fut un peu embarrassée. C’est sa mère qui lui avait dit de mettre ce manteau ce matin, sur son gilet et sur son T-shirt. Alors est-ce qu’elle serait d’accord pour que Sarah l’enlève ? La petite hésitait encore lorsqu’elle sentit que les mains d’Helena déboutonnaient les boutons. Bof, tant pis, elles ne le diraient pas à sa mère, et comme elle n’était pas là, elle ne le saurait pas. Par contre, il fallait que Sarah avertisse Helena, parce que si jamais sa marraine disait devant Ashley qu’elle lui avait enlevé son manteau, Sarah risquait de se faire gronder – enfin, elle n’était même pas sûre que sa mère puisse la gronder. Elle ne l’avait jamais vue se mettre en colère, mais elle devait bien savoir le faire, non ? Alors qu’Helena enlevait le dernier bouton du manteau en laine – oui, en laine. On était en février, après tout – Sarah lui dit d’une voix cachotière :

- Bon, on enlève le manteau mais on ne dit rien à Maman, hein ? Je crois pas qu’elle serait contente si elle le savait… Tu sais c’est elle qui m’a dit de le mettre ce matin.

Sarah sourit à sa marraine en lui faisant un pseudo clin d’œil – en fait, elle avait du mal à fermer un seul œil, alors elle fermait les deux et le résultat était plutôt comique. Elle enleva son manteau, en faisant bien attention à ce qu’il ne touche pas parterre pour ne pas être salit, puis, alors que les deux filles remontaient vers le banc, Helena lui demanda si elle voulait aller manger une glace. La petite fille répondit immédiatement :

- Oh oui, oui, oui, oui, oui ! en sautant partout, sans faire plus du tout attention au fait que son manteau touchait parterre, et avait un peu traîné dans la terre.

Elles remontèrent jusqu’au banc, où Sarah posa son manteau sur son sac. Quand elle s’aperçut que son beau manteau – beau, c’est sûr qu’il l’était, elle l’avait choisi elle-même dans la boutique, elle l’avait pris parce qu’il avait un nœud derrière, et une double bleue à pois roses – elle soupira :

- Oh nooooooooon… Maman va m’en vouloir, tu crois, Helena ? J’ai sali mon beau manteau !

Elle donna des petits coups de la main sur la laine grise du manteau, et bientôt, toute la poussière disparut. Elle sourit, fière, puis se tourna vers sa marraine, et lui dit :

- Viens, je t’emmène chercher des glaces, en lui tendant la main, comme si les rôles étaient inversés et que c’était maintenant elle l’adulte qui promenait une gamine.

Elle attrapa la main d’Helena et l’emmena vers une roulotte beige en bois, surmontée d’un grand panneau frappé de l’inscription « Glaces » en rose pâle, inscription entourée de roses bleues et de petites glaces. Une dame qui devait avoir environ une soixantaine d’année, les cheveux jaune pâle, une robe rose à motifs liberty sur le dos, était debout derrière le comptoir, et fit un grand sourire aux deux filles lorsqu’elle les vit s’approcher. C’était plutôt rare de vendre des glaces en février !
Sarah lui rendit son sourire et la dame roucoula un « Bonjouuuuuur. Que désirez-vous ? » à leur intention. Sarah réfléchit un instant, puis déclara :

- Moi je veux une glace fraise-vanille-framboise. Avec de la chantilly. Et toi, Helena ? demanda-t-elle ensuite à l’adresse de sa marraine pendant que la dame aux cheveux jaunes se saisissait d’une cuiller et la plongeait dans les différents bacs de glace.